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Quelle stratégie pour garantir les besoins futurs en eau ?

Face à une demande en eau de plus en plus croissante, la stratégie mise en place pour la maîtrise et l’atténuation des impacts socioéconomiques des sécheresses, qu’a connues le pays particulièrement durant les 30 dernières années, a montré ses limites.

Forts de l’expérience acquise au cours de trois années de sécheresse 2015-2018, les responsables de la gestion des ressources hydriques au sein du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche ont élaboré un plan d’action qui vise à mettre en place une nouvelle méthodologie d’allocation en eau, dans le but de résoudre le problèmes des ressources gaspillées auparavant.

Quelle problématique ?
Marqué par l’aridité, le climat tunisien est caractérisé par un régime pluviométrique particulièrement capricieux. Très variable dans l’espace, les pluies dépassent les 1.500mm/an en moyenne à l’extrême nord et atteignent à peine les 100mm à l’extrême sud. Cette grande disparité est observée dans un petit pays dont la superficie ne dépasse pas les 164.000km² qu’on peut subdiviser comme suit : la région à climat humide à subhumide du nord-ouest, dotée de pluies abondantes, qui couvre près de 7% du territoire, la région à climat semi-aride du centre qui couvre près de 16% du territoire, la région à climat aride à désertique du sud qui couvre près de 77% du territoire. Ainsi, plus des trois quarts de la superficie de la Tunisie sont soumis à l’influence d’un climat sec et capricieux, caractéristiques des zones arides et désertiques.
A cette variabilité spatiale de la pluviométrie se greffe une variabilité dans le temps, faisant qu’à un cycle d’années pluvieuses succède un cycle d’années sèches, alternant ainsi crues et sécheresses au fil des années. L’autre caractéristique du régime climatique tunisien est que, généralement, ces situations extrêmes n’affectent pas simultanément les régions du pays.

Trois défis majeurs
Face à ce diagnostic qui ne cesse de se confirmer d’une année à l’autre, l’art de la gestion de l’eau dans le contexte tunisien consiste ainsi à savoir stocker la manne des années fastes pour la reporter sur les années sèches et savoir transférer le surplus des régions bien arrosées aux régions desséchées.
La sécheresse qu’a connue le pays au cours des dernières années a nécessité la mise en place d’un plan d’urgence pour maîtriser ce déficit hydrique et répondre à la demande en eau des différents opérateurs. Ce plan vise également à introduire une nouvelle méthodologie dans la gestion des ressources en eau, assurant ainsi des allocations constantes, quelle que soit la qualité pluviométrique de l’année en cours.
D’où la fixation des deux piliers de la stratégie de mobilisation des eaux de surface en Tunisie qui sont l’implantation de grands barrages-réservoirs et leur interconnexion pour stocker les apports des années pluvieuses et assurer, en cas de besoin, leur approvisionnement les uns des autres, et l’implantation de canaux de transfert pour véhiculer l’eau des régions d’abondance vers les régions en déficit.
Si cette stratégie, couplée à celle de la mobilisation souterraine, a permis de répondre à la demande en eau du pays durant les trois dernières décennies, elle est néanmoins confrontée au XXIe siècle à trois défis majeurs : l’inévitable envasement des retenues des barrages dont certains approchent de la fin de leur durée de vie, ce qui est en passe de réduire graduellement leur capacité de stockage, l’augmentation de la demande en eau en raison de l’accroissement démographique et des besoins croissants en eau des secteurs agricole, industriel et touristique, et le réchauffement climatique qui est en passe d’accroître les déperditions des eaux du fait de l’évaporation et l’évapotranspiration du couvert végétal.

Quelles priorités ?
La nouvelle stratégie à mettre en place doit être en mesure de répondre simultanément à ces trois défis. Mais vu l’inadéquation imminente entre les besoins et les ressources en eau induite par ces trois défis majeurs, outre les actions institutionnelles (actualisation du code des eaux) structurelles à entreprendre (remplacement des barrages en fin de vie, édification de stations de dessalement des eaux saumâtres et de l’eau de mer, réutilisation des eaux usées, programmes sectoriels d’économie d’eau…), il y a lieu d’envisager une gestion dynamique de la demande pour être en mesure d’assurer un approvisionnement régulier en cette ressource vitale, en dépit des aléas climatiques. C’est pourquoi la nouvelle stratégie sera articulée autour de quatre axes majeurs: hiérarchiser les priorités, améliorer la gouvernance, renforcer l’économie d’eau, avoir une vision et une stratégie.
Pour le premier axe, il pourrait être résumé en trois points primordiaux : assurer en continu le transfert des eaux de l’extrême nord, sur toute l’année, et faire de l’axe Sidi Barrak-Sejnane, un axe principal qui doit fonctionner quelles que soient les années et atteindre 780.000m3 par jour. L’axe Sidi Salem-Laroussia deviendra, par conséquent, un axe secondaire pour combler le déficit de la demande (eau potable et eau d’irrigation). Deuxièmement, c’est d’asseoir une commission de pilotage à l’échelle nationale pour mettre en place un système de gestion dynamique des eaux en affectant des quotas pour l’irrigation des périmètres irrigués. Finalement, c’est de donner la priorité à l’eau potable (urbaine et rurale), pour l’affectation des ressources en eau, en faisant une bonne programmation et un bon suivi, du passage d’été au niveau de chaque région.
S’agissant du deuxième axe, il s’articule autour de la création des conseils régionaux de l’eau comme stipulé dans le projet du code des eaux, faire participer les conseils régionaux, la profession (à l’échelle nationale et régionale) et les GDA dans la programmation de la distribution de l’eau, établir une bonne coordination entre les différentes institutions ainsi que la société civile pour la bonne gestion des ressources en eau, actualiser en continu les plans régionaux pour assurer l’approvisionnement en eau potable dans les zones rurales et urbaines, achever le code des eaux et créer plusieurs groupes de réflexion sur l’approvisionnement en eau, l’amélioration de la gestion du système Medjerda, le dessalement de l’eau saumâtre pour les besoins d’irrigation.
Pour renforcer l’économie d’eau, le ministère a basé son action sur quatre orientations qui sont ‘’la rationalisation de la consommation de l’eau d’irrigation’’ par la généralisation des techniques économisatrices d’eau et le choix des cultures en fonction de leurs consommations en eau et des conditions climatiques des régions concernées, ‘’l’amélioration de la productivité de l’eau dans le secteur agricole’’ par la mise en œuvre de systèmes de culture intensifs durables qui valorisent le mieux chaque mètre cube d’eau fourni et l’encadrement des petits producteurs et leur intégration dans les filières agricoles, ‘’la mise à jour de la carte agricole’’ en y intégrant de nouvelles fonctionnalités pour adjoindre, à côté de l’aptitude des sols aux cultures préconisées, les ressources en eau disponibles dans la région, dans le but d’optimiser le choix des cultures qui valorisent le mieux chaque mètre cube d’eau fourni, ‘’la rationalisation de la consommation en eau potable’’ en jouant sur la pression, les fuites et la sensibilisation. L’objectif de cette mesure est de limiter l’augmentation de la quantité d’eau destinée à l’eau potable. En conclusion, ces orientations stratégiques seront déclinées en mesures incitatives qui devront favoriser l’économie d’eau et orienter les investissements dans le secteur agricole vers une meilleure valorisation de cette ressource. S’agissant du dernier axe, il faut préparer la stratégie de l’eau à l’horizon 2050, basée sur une vision à long terme du secteur de l’eau en Tunisie, dont l’objectif est de garantir les besoins futurs en eau, de préserver l’environnement de cette ressource vitale et de créer un équilibre durable entre l’offre et la demande pour un développement équitable et durable.

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Un commentaire

  1. Sana Sbouai

    23 octobre 2019 à 17:26

    Quid dans les priorités des réparartions à apporter sur le réseau de distribution qui est une source de gaspillage énorme, du fait des fuites? C’est assez désolant comme publication : réussir à éditer la stratégie du ministère de l’agriculture pour la publier, sans contrebalancer sur la faisabilité, en questionnant des experts et des activistes…

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